Votre téléphone n’est pas à vous : preuves à l’appui

Vous l’avez payé… mais est-ce vraiment votre téléphone ?

Lorsque vous achetez un smartphone, surtout à plusieurs centaines d’euros, vous vous attendez à en être pleinement propriétaire. Après tout, c’est vous qui l’avez choisi, payé, configuré. Il est dans votre poche, il vous appartient. En apparence.

Mais dès que vous l’allumez, une étrange réalité s’impose : des applications préinstallées, impossibles à désinstaller, des paramètres bloqués, des mises à jour imposées, des services actifs en arrière-plan dont vous ignorez même l’existence.

Pire encore : certaines fonctions peuvent être activées ou désactivées à distance, sans votre consentement. Et dans certains cas, vous pouvez perdre l’accès total à votre appareil si un fournisseur de service, un constructeur ou une plateforme le décide.

La question mérite d’être posée : à qui appartient réellement votre téléphone ?

Ce paradoxe touche tous les utilisateurs, qu’ils aient un modèle neuf ou reconditionné, un Android ou un iPhone. Ce n’est pas une question de marque ou de budget, c’est une conséquence directe de la manière dont les smartphones sont conçus aujourd’hui : comme des plateformes fermées, contrôlées à distance, vendues comme un produit mais opérées comme un service.

Dans cet article, on va décortiquer les preuves : celles qui montrent que, malgré votre facture d’achat, vous n’avez pas tous les droits sur votre propre appareil.

Et surtout, on verra comment reprendre une partie du contrôle, sans forcément devenir expert en cybersécurité ou bidouilleur averti.

Des applis que vous ne pouvez pas désinstaller (même si vous ne les utilisez jamais)

Prenez quelques instants pour parcourir la liste complète des applications installées sur votre smartphone. Vous y trouverez sûrement des apps que vous n’avez jamais téléchargées, que vous n’utilisez pas, et pourtant… impossibles à supprimer.

Bienvenue dans le monde des bloatwares, ces applications préinstallées par le constructeur, les opérateurs ou des partenaires commerciaux. Sur les Samsung, Xiaomi, Huawei et bien d’autres, ces apps sont souvent là dès le premier démarrage :

• Facebook, TikTok, Booking, Spotify…
• Navigateur maison (Samsung Internet, Mi Browser…)
• Services doublons : météo, calendrier, galerie, email…

Certaines de ces applis sont "désactivables" (elles ne s’affichent plus, mais restent dans le système), d’autres ne le sont même pas. Et si vous tentez de les désinstaller, vous verrez souvent apparaître un bouton grisé ou un message laconique : “Cette application fait partie du système”.

Pourquoi est-ce un problème ?

• Espace occupé inutilement : même si les téléphones modernes disposent de plus de stockage, ces apps prennent parfois plusieurs centaines de Mo.
• Fonctionnement en arrière-plan : certaines continuent à envoyer ou recevoir des données, à consommer de la batterie, ou à occuper la mémoire vive.
• Risque pour la sécurité et la vie privée : chaque app supplémentaire est une porte potentielle d’entrée pour un bug, une fuite ou une utilisation abusive des données.

Samsung, par exemple, préinstalle parfois plus de 20 apps que vous ne pouvez pas supprimer sans accès root. Xiaomi va encore plus loin, en ajoutant ses propres services avec des publicités intégrées, y compris dans les paramètres du système ou le gestionnaire de fichiers.

Certains modèles vendus par des opérateurs téléphoniques intègrent en plus leurs propres applis (gestion de compte, messagerie, TV…), souvent impossibles à retirer également.

Il faut donc bien comprendre que votre téléphone contient des applications que vous n’avez pas choisies, qui sont parfois actives sans votre accord, et que vous ne pouvez ni contrôler complètement, ni effacer totalement.

Et c’est loin d’être la seule zone grise dans votre expérience utilisateur...

Des mises à jour imposées, parfois contre votre gré

Vous recevez une notification :

“Une mise à jour système est disponible. Votre appareil redémarrera automatiquement à 3h du matin.”

Et vous n’avez pas le choix. Ni sur l’heure. Ni sur le contenu. Ni même sur le fait de la faire ou non.

Sur les smartphones modernes, les mises à jour logicielles sont de plus en plus imposées. Présentées comme essentielles pour la sécurité, elles sont souvent incontournables. Et dans certains cas, elles ne se contentent pas de corriger des bugs : elles modifient des fonctionnalités, ajoutent des applications, changent l’interface… sans vous consulter.

Quelques exemples concrets :

• Samsung a déjà déployé des mises à jour incluant de nouvelles applis système, parfois avec de la publicité intégrée (dans Samsung Pay ou Samsung Free), sans possibilité de retour en arrière.
• Xiaomi a modifié l’emplacement de certains menus ou injecté de nouveaux modules publicitaires via mise à jour système sur MIUI.
• Apple a désactivé des fonctions sur certains anciens modèles d’iPhone pour des raisons de compatibilité, ce qui a généré de nombreuses polémiques.

Vous pouvez reporter une mise à jour pendant quelques jours, mais au bout d’un certain temps, le système force le téléchargement et le redémarrage.

Et il ne s’agit pas seulement du système d’exploitation. Les mises à jour des services Google ou Huawei, ou même de certaines apps système, peuvent modifier le comportement du téléphone sans notification visible.

🎯 Où est le problème ?

• Vous perdez la maîtrise de l’environnement logiciel de votre propre appareil.
• Certaines fonctionnalités que vous aimiez peuvent disparaître ou être modifiées.
• De nouvelles options peuvent s’activer par défaut après une mise à jour, relançant le tracking, les pubs ou l’activité en arrière-plan.

En clair : même si vous n’avez rien demandé, même si vous aviez tout réglé selon vos préférences… le constructeur ou l’éditeur peut reconfigurer à distance une partie de votre expérience.

Votre téléphone peut être bridé à distance

Vous avez probablement entendu parler du "verrouillage iCloud", qui peut rendre un iPhone inutilisable si le propriétaire précédent n’a pas désactivé son compte. Mais cette capacité à désactiver, bloquer ou restreindre un appareil à distance ne concerne pas seulement Apple.

Aujourd’hui, de nombreux smartphones peuvent être partiellement ou totalement verrouillés à distance par :

• le constructeur (Apple, Samsung, Xiaomi…),
• l’opérateur (en cas d'impayé ou de subvention),
• ou même certaines applications (gestion d’entreprise, solutions antivol).

Exemples concrets de bridage à distance :

• Apple : via le système Activation Lock, tout iPhone ou iPad lié à un identifiant iCloud devient inutilisable si ce compte n’est pas dissocié. Impossible de le réinitialiser, de l’utiliser ou de le vendre. C’est une fonction antivol… mais c’est aussi un moyen de contrôle total du constructeur.
• Samsung : grâce à Knox, Samsung peut appliquer des politiques de sécurité à distance (en entreprise, mais aussi via SmartThings). Le FRP (Factory Reset Protection) empêche la réinitialisation sans le compte Google initial — une protection utile, mais qui peut piéger les utilisateurs mal informés, surtout dans le reconditionné.
• Xiaomi et Huawei : certains modèles vendus avec abonnement peuvent être verrouillés à distance par l’opérateur si les conditions contractuelles ne sont pas respectées. Et là encore, même si vous possédez l’appareil physiquement… il peut refuser de démarrer.

Quelles sont les implications ?

Vous pensiez que votre téléphone vous appartenait une fois acheté ? En réalité :

• Une simple erreur de mot de passe, une mise à jour malvenue ou un oubli de dissociation peut rendre l’appareil inutilisable.
• En cas de vente ou revente, surtout dans le marché du reconditionné ou de l’occasion, ces systèmes de verrouillage peuvent être un véritable casse-tête. C’est bien pour cela qu’il faut faire attention à où est-ce que vous acheter lorsque vous choisissez le reconditionné

Et dans la majorité des cas, vous n’avez pas de recours si vous n’êtes pas le propriétaire initial du compte.

Et même l’OS n’est pas sous votre contrôle

Lorsque vous utilisez votre smartphone, vous interagissez avec une interface fluide, intuitive, familière. Mais en réalité, vous n'avez qu’un accès limité à ce que fait vraiment votre téléphone. Car même le système d’exploitation — Android ou iOS — ne vous appartient pas.

Un système verrouillé, par conception

Sur iPhone, iOS est totalement fermé. Vous ne pouvez pas installer d'applications en dehors de l’App Store, ni accéder aux fichiers système, ni modifier les paramètres avancés. Et sans jailbreak (procédure complexe, instable, souvent bloquée par Apple), vous êtes totalement dépendant de ce que la marque vous autorise à faire.

Sur Android, le système est techniquement plus ouvert… mais dans les faits, le système est verrouillé par la surcouche du constructeur :

• Samsung (One UI), Xiaomi (MIUI), Huawei (EMUI) ajoutent des couches d’interface, de services, de restrictions.
• L’accès “root” est bloqué sur la majorité des modèles (sauf en le déverrouillant manuellement, ce qui annule souvent la garantie).
• Vous ne pouvez pas supprimer certaines apps système, ni modifier les permissions profondes.

Même les mises à jour système sont délivrées quand le constructeur le décide, parfois avec plusieurs mois de retard, ou jamais, selon le modèle.

En résumé : vous êtes locataire d’un système propriétaire

Vous avez le téléphone, mais :

• Vous ne choisissez pas l’OS ni ses règles.
• Vous ne pouvez pas le personnaliser librement.
• Vous ne pouvez pas voir ce qu’il fait en arrière-plan, ni bloquer toutes les connexions.

C’est comme si vous aviez acheté une maison… dont vous ne possédez pas les clés techniques.

Et cela pose une question essentielle : peut-on encore parler de propriété numérique ?

Que pouvez-vous vraiment faire ?

Heureusement, même si vous ne contrôlez pas tout, vous pouvez reprendre un peu la main. Voici quelques gestes simples pour limiter les abus — sans devenir expert ni rooter votre téléphone.

Ce que vous pouvez faire dès maintenant :

• Désactiver les apps inutiles : dans les paramètres > applications > désactiver (si désinstallation impossible).
• Restreindre les autorisations sensibles : micro, caméra, localisation, stockage → n’autorisez que ce qui est vraiment nécessaire.
• Désactiver la pub personnalisée : dans les paramètres Google ou Samsung > annonces > désactiver la personnalisation.
• Limiter les synchronisations en arrière-plan : surtout pour les apps que vous n’utilisez pas souvent.
• Vérifier les paramètres de confidentialité : après chaque mise à jour, pour repérer ce qui a pu être réactivé.

Ces actions ne font pas de vous le “maître absolu” de votre téléphone, mais elles permettent de réduire votre exposition, de ralentir la collecte de données, et d’améliorer votre tranquillité numérique.

FAQ – Ce qu’on nous demande souvent

Est-ce que mon téléphone m’espionne vraiment ?

Pas au sens “espionnage digne d’un film”, mais oui, il collecte et envoie des données en arrière-plan, parfois sans que vous en soyez pleinement conscient. Ce sont souvent des données d’usage, de localisation ou de comportement.

Puis-je supprimer toutes les apps inutiles ?

Non. Certaines applications système sont verrouillées. Vous pouvez toutefois les désactiver, ce qui empêche leur exécution, et libère partiellement de la mémoire.

Comment savoir si mon téléphone est suivi ?

Il est probable qu’il le soit — par défaut. Consultez les paramètres de confidentialité, vérifiez l’accès aux capteurs, et désactivez les services inutiles (assistant vocal, pub ciblée, localisation continue…).

Est-ce que ça concerne aussi les téléphones reconditionnés ?

Oui. Reconditionné ou neuf, c’est le même système. Ce qui compte, c’est l’OS et la surcouche constructeur. Acheter un téléphone reconditionné, c’est éco-responsable… mais cela ne change pas les règles logicielles imposées par le fabricant.

En résumé : la propriété numérique n’est pas acquise

Vous avez acheté votre téléphone, vous l’utilisez chaque jour, vous le rechargez, vous le protégez…

Mais en matière de contrôle réel, le pouvoir reste entre les mains du constructeur, du système d’exploitation, et parfois même des opérateurs.

Cela ne signifie pas que vous devez vivre dans la peur, ni jeter votre appareil à la poubelle. Mais cela signifie qu’il est temps de repenser notre rapport à ces objets ultra personnels : en comprendre le fonctionnement, en remettre en question les automatismes, et reprendre, à notre échelle, un peu de contrôle.

Parce qu’au fond, le seul téléphone vraiment à vous… c’est celui que vous comprenez.